Une amitié pas comme les autres
Le premier janvier de l’année prochaine, elle fêtera ses 30 ans. Voir le jour un premier janvier, il fallait le faire quand même !
30 ans. C’est un événement important dans la vie d’une femme. Dans la vie d’un homme aussi. Je suis passé par là le 4 septembre dernier. Le 4 septembre. C’est quand même beaucoup moins fun que le premier janvier vous ne trouvez pas ?
Début septembre, la rentrée des classes, cette nuit avant le jour J ou t’arrive pas à fermer l’oeil alors que celle d’avant tu as dormi comme un loir, ces nouvelles baskets toutes neuves que t’a peur d’abîmer et avec lesquelles t’espère faire sensation auprès des copains, le stress de louper le car qui t’emmène à l’école, celui de savoir si tes super amis seront toujours dans ta classe… Ça ne vous rappelle rien ?
Le premier janvier, c’est quand même un peu plus fun, et puis c’est la nouvelle année, les nouvelles perspectives…
30ans ou presque que l’on se connaît elle et moi. Tout a débuté lorsque nous étions à la maternelle, ça fait quand même bien longtemps. Les souvenirs sont un peu flous, quoique je me rappelle très bien qu’elle avait souvent plus de peinture sur les mains et le visage que sur la feuille de dessin, une vraie artiste !
Il y a eu l’école primaire, l’apprentissage de l’écriture et de la lecture avec la clique à Ratus, Marou, Mina, Belo et Victor. Les personnages de la fameuse méthode d’apprentissage, pas nos copains et copines de l’école, même si ça aurait pu ! L’illustre rat vert a plus de 20 ans lui maintenant, et il accompagne toujours les enfants dans la découverte de la lecture.
J’ai eu la chance d’avoir son papa (c’était une chance pour moi, pour elle peut-être un peu moins) comme instituteur en CE1 et CE2, car oui, en plus d’être née un premier janvier, il aura fallu que ses deux parents soient instits ! Des années à grandir ensemble, à apprendre, jouer, rire et pleurer aussi. Des anniversaires. Des émotions toutes simples comme chaque être humain peut en ressentir.
Le collège est arrivé, puis le lycée. Nous avions choisi des filières différentes, les contacts étaient moins réguliers mais nous nous croisions presque tous les jours.
Les études supérieures ont mis un peu plus de distance entre nous. Les retrouvailles étaient moins nombreuses, mais nous nous donnions toujours des nouvelles de temps en temps. Pendant les vacances, elle avait souvent une petite attention pour moi et il n’était pas rare que je reçoive une carte postale de sa part. J’adorais toujours les lire.
Les années ont passé, avec parfois plusieurs mois sans nouvelles. Nous menions chacun notre vie de notre côté, et même si l’on ne se donnait pas de nouvelles, il y avait toujours une pensée pour elle quelque part dans un coin de ma tête.
Un jour, j’ai appri que son cerveau lui avait joué un très mauvais tour, le genre de tour qui peut te retirer la vie d’un seul coup, sans prévenir évidemment. Heureusement, le pire a pu être évité, non sans conséquences. Il s’en est suivi de long mois de rééducation, des heures et des heures d’exercices pour essayer de faire de nouveau fonctionner son petit corps comme avant.
On se revoyait de temps en temps, elle habitait un petit appartement métro Bonne Nouvelle à Paris. On y a passé quelques soirées, elle me parlait de ses études de droit, de ses rêves, de choses simples finalement. On riait tellement, même si l’on savait tous les deux que sa vie ne serait plus jamais vraiment comme avant.
Chaque jour est une petite bataille qu’elle mène avec beaucoup de force et de courage. À l’aube de ses 30 ans, elle peut être vraiment fier d’elle et de la personne qu’elle est aujourd’hui.
Sa vie a été bouleversée, mais rien n’a changé entre nous. La vie a continué, avec d’autres aventures, d’autres expériences de la vie. On se retrouvait toujours à Paris autour d’un verre ou d’un restau, pour aller voir un film, comme deux bons amis qui se connaissent par coeur.
Ces dernières années nous nous sommes revus plus souvent encore, sans rien vraiment prévoir. Les pensées vont et viennent, on pense à la personne, on lui propose de la voir et les choses se font de manière toute simple. Et à chaque fois, c’est un pur moment de plaisir. C’est l’une des choses incroyables qu’il peut y avoir avec l’amitié, lorsqu’elle s’inscrit dans la durée et qu’elle est d’une sérénité absolue.
Je ne sais pas vraiment pourquoi je pense à tout ça aujourd’hui. Cela vient peut-être de ce fameux cap des 30 ans, où tu fais une sorte de petit tour d’horizon de ta vie actuelle, de ton entourage et de ceux avec qui tu souhaites continuer ton chemin.
Je sais qu’elle fera toujours partie du voyage, quelles que soient les routes que nous emprunteront durant les années à venir.
Et puis lorsque l’on aura perdu toutes nos dents elle et moi, j’espère le plus tard possible, je sais que l’on trouvera toujours un moment pour s’assoir tous les deux l’un à côté de l’autre, repassant le film de nos vies respectives. Et à ce moment là, les 30 ans d’amitié seront largement dépassés. Le lien qui nous unit sera sans doute encore plus fort.
Nous connaissons tous quelqu’un qui occupe une place un peu plus importante que les autres. Ne sous-estimez jamais ce lien qui peut vous unir à cette personne. Vivez-le pleinement et savourez chaque moment passé avec elle.