J’ai plongé. Le terrain m’est inconnu mais la température est agréable et je n’ai absolument pas froid. Je suis tellement bien que je n’ai aucune envie de remonter à la surface. L’oxygène est abondant, je respire à plein poumons et mon esprit est parfaitement lucide.
Il ne fait pas sombre du tout, la lumière est même plutôt belle. Je me demande alors si je ne ferais pas mieux de rester ici un peu plus longtemps. C’est vrai après tout, pourquoi chercher à retrouver l’air du dehors alors que ce qui se passe ici dans les profondeurs me donne tant de bonheur ?
J’ai plongé. Comme chaque jour, j’ai enfilé mon équipement de lecteur curieux et passionné et j’ai rejoint les abysses de ce roman merveilleux. Tel un apnéiste chevronné qui descend lentement mais sûrement dans les profondeurs de l’océan, j’ai filé moi aussi page après page dans les abîmes de l’histoire.
Il y a des jours où le courant est trop fort et où il serait bien trop risqué de s’éloigner de la surface. Ces jours là, je choisis alors des lectures plus légères. Des histoires qui sollicitent un peu moins ma tête et mon corps mais qui restent malgré tout passionnantes et enrichissantes.
Les mots sont les passants mystérieux de l’âme.
— Victor Hugo
Les mots sont partout n’est-ce pas ? Peut-on passer une journée sans croiser leur chemin ? Est-il possible de résister à leurs pouvoirs ? Je ne crois pas, et puis nous ne serions pas là aujourd’hui si les mots n’existaient pas.
Une nouvelle fois, j’ai plongé. C’était il y a quelques jours, je ne sais plus trop quand. J’avais étendu ma serviette sur la plage, la marée était haute et les rayons du soleil me réchauffaient le front. Alors que j’étais en train de lire mon livre, une légère brise venait par moment soulever le coin supérieur droit de ma page en cours.
Aussi étrange que cela puisse paraître étant donné le lieu où je me trouvais, j’avais du mal à me concentrer sur la lecture. Je levais régulièrement la tête pour humer l’air et observer les vagues venant inlassablement se casser sur le sable. De temps à autre, un couple d’amoureux passait au loin le long du rivage.
Je n’étais pas le seul lecteur ce jour là. Un peu plus loin derrière moi, une femme semblait elle aussi se laisser emporter par l’histoire qu’elle tenait entre ses mains. Elle était assise dans le sable, le dos appuyée contre une planche en bois, son visage tourné en direction du soleil.
Je levais de temps en temps les yeux de mon livre pour jeter un rapide coup d’œil dans sa direction. Quel livre pouvait-elle bien lire ? À quoi pensait-elle alors que nous étions là presque seuls sur la plage ? Je ne peux pas répondre à ces questions, alors j’imagine des histoires.
Cher océan, je commence à bien te connaître. Chaque jour passé à tes côtes est un bonheur et tu parviens toujours à me surprendre. Même quand tu décides de t’en prendre à moi lorsque je chute de ma planche de surf et que tu m’emportes dans tes puissants rouleaux, je t’aime toujours aussi fort.
Parfois je peine à retrouver ma respiration parce que tu es agité. Tu me fais vaciller dans tous les sens, mais je continue de te trouver extrêmement chaleureux.
Dis moi, quel est ton secret ? Ou plutôt non, ne dis rien, comme ça je continuerai de penser encore et encore à toi. Garde ce mystère et mes yeux pétillerons à chaque fois que je te retrouverai.
Je me demande bien ce que je ressentirais au contact de ton amie. Tu sais, celle qui te regarde souvent d’en haut ? Oui, elle, la montagne. Quelle histoire aurait-elle à me raconter ? Quels sont ses mots à elle ? Quel est son langage ? Tu le connais toi ? Tu m’en voudrais si je m’en allais lui demander ?
Je suis sûr qu’elle me donnerait aussi envie de raconter des histoires. Parce que les mots, encore et toujours…