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Une hirondelle

La douleur commence à se faire ressentir. Elle apparaît souvent en fin de journée, aux alentours de 18h.

Il y a des jours où elle se manifeste dès son réveil. Lorsque cela arrive, elle sait que sa journée sera plus longue et plus éprouvante que les autres.

Avec le temps, elle a fini par s’y habituer. C’est comme si elle avait choisi de vivre avec la douleur, alors qu’elle pourrait facilement s’en débarrasser.

Il lui suffirait de modifier certaines de ses habitudes, mais elle ne se sent pas encore prête à faire cet effort.

Alors, elle lutte chaque jour contre cette fatigue visuelle qui ne l’a quitte seulement lorsqu’elle décide de fermer les yeux.

Ses yeux lui font mal, eux qui sont si fragiles.

La nature a quand même bien fait les choses. Nombreuses sont celles qui rêveraient d’avoir des yeux bleus azur comme les siens. Il faut le voir pour le croire.

D’ailleurs, il n’est pas rare qu’elle reçoive des compliments sur son regard. Lorsque cela arrive, elle ne peut s’empêcher de laisser échapper un sourire.

C’est sa manière à elle d’être reconnaissante et de dire merci, même si elle n’est pas toujours à l’aise dans ces moments là.

Maëlle le sait. Si elle veut conserver son regard charmeur, elle doit faire un peu plus attention à elle et ménager ses beaux yeux bleus.


Le temps était orageux ce jour là. L’air était bien trop pesant pour ses petites épaules. Le moindre mouvement lui demandait un effort surhumain.

La jeune femme ne pensait qu’à une chose, ce moment où elle rentrerait chez elle pour abandonner ses vêtements et se glisser sous la douche.

Elle laisserait couler l’eau froide dans le creux de son cou et puis sur sa nuque, et elle se sentirait enfin apaisée.


Maëlle est sortie de la salle de bain, et comme à son habitude, elle a pris soin d’épargner les petites gouttelettes d’eau qui coulent le long de son dos mouillé.

La sensation de fraîcheur provoquée par l’évaporation de l’eau sur sa peau lui fait énormément de bien.

L’écran de l’iPhone posé sur la table basse affiche 21h32.

Après avoir entrouvert la fenêtre du salon et enfilé un petit débardeur blanc, la jeune femme se laisse tomber sur le canapé, épuisée par sa journée.

Le merle ne se fait pas longtemps prier. Comme souvent lors des soirs de printemps, il est là et il chante, pour son plus grand bonheur à elle.

Le chant de l’oiseau lui rappelle son enfance à la campagne. Elle revoit les hirondelles virevolter au dessus de la cour devant la maison.

Elles revenaient tous les ans à la même période de l’année pour nicher dans l’atelier de son père. C’est comme si elles faisaient partie de la famille.

Pendant les beaux jours, lorsque les journées touchaient à leur fin, on pouvait apercevoir un merle tout en haut du sapin au fond du jardin. Parfois, il descendait sur la pelouse fraîchement tondue pour s’adonner à son chant habituel.

Maëlle adorait s’allonger de tout son long sur une chaise longue pour l’écouter chanter. Elle se sentait alors en paix.

Alors, ce soir encore, elle tend l’oreille. La douleur se fait moins intense.


La jeune femme ferme les yeux. Cette fois, elle a décidé de se coucher un peu plus tôt que d’habitude.

Juste avant de s’endormir, elle repense à cette citation de Kafka qu’elle avait lue il y a longtemps.

L’éclat de vos yeux supprime la souffrance du monde.

— Franz Kafka

À partir de cette nuit là, Maëlle n’eut plus jamais mal aux yeux.

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