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Lettre à mon amoureuse

25 ans après, il fallait que je te dise…

À toi qui fut mon premier amour. À toi que j’ai tant aimé, sans avoir jamais su te le dire.

C’était il y a vingt cinq ans peut-être, tu n’étais encore qu’une petite fille et je n’étais qu’un petit bonhomme. Nous avons passé une bonne partie de notre enfance ensemble, à la maison et sur les bancs de l’école. De la maternelle jusqu’à l’entrée au collège, tu étais là tout près de moi. Et pourtant, à aucun moment je n’ai su te le dire…

J’avais la chance de t’avoir à mes côtés. Je n’avais qu’à traverser la rue pour venir te rejoindre. Parfois, nous enfourchions nos vélos et nous allions ensemble à l’école par le chemin de traverse au milieu des champs de blés.

Tu habitais une grande maison qui ressemblait à un petit château. Je revois cet immense salon et cette grande salle à manger au milieu de laquelle trônait une table en bois massif qui me semblait interminable. Je me souviens de ce long escalier qui montait à l’étage. Les marches étaient recouvertes d’un tissu, je ne me souviens plus de la couleur, mais c’était le signe pour moi que l’on ne mettait pas les pieds n’importe où.

Derrière la maison s’étendait le jardin. En sortant par la porte fenêtre, il y avait la terrasse et puis cette grande piscine où nous avons passé de longs après-midis au soleil. Tu avais de la chance, et puis nous aussi les copains et copines, car on ne manquait pas d’en profiter en venant te voir.

Ta mère nous préparait le goûter dans la cuisine. J’ai le souvenir d’une femme élégante et toujours apprêtée. Tu tenais d’elle ta jolie chevelure blonde et tes beaux yeux bleus.

Cela contrastait avec le regard sévère de ton père, un homme que l’on voyait rarement et qui était plutôt distant dans mes souvenirs. Il avait fait fortune dans les fleurs, et de son deuxième mariage étaient nées deux petites têtes blondes. Un peu plus tard, un petit frère avait fait son arrivée dans la famille. Tu étais l’aînée, toi, ma petite fleur dorée qui allait très vite faire chavirer mon cœur.

Ma sœur s’était vu offrir le jeu Labyrinthe pour son anniversaire. Je lui piquais lorsque je venais chez toi, tu adorais y jouer. On s’installait assis par terre sur la moquette de ta chambre, pas très loin de ton lit. Tu ne le savais sans doute pas mais mon cœur battait très fort dans ces moments là.

Il faut croire que j’étais particulièrement doué pour que l’expression de mon visage et mes gestes ne trahissent pas ce que mon cœur criait au fond de moi. Ça faisait du bruit là dedans, tu ne pouvais pas imaginer.

Mais le petit garçon timide que j’étais n’osait pas libérer son cœur, sans doute par peur de le contrarier et lui faire du mal. J’avais peur que tu n’aies pas envie de le suivre, alors je me suis tu.

Je me souviens d’un après-midi où nous étions en train de jouer dans ta chambre. Je m’étais dit :

Allez mon bonhomme, cette fois c’est le moment, lance-toi ! Sois un grand garçon et dis lui, dis lui à quel point elle est belle et combien tu l’aimes.

Et puis rien n’est venu. Mon cœur a continué de crier son amour et j’ai persisté à faire en sorte qu’on ne puisse pas l’entendre. C’était incompréhensible.

Les années passaient et forcément tout cela me rendait un peu triste. La mélancolie me gagnait parce que je n’arrivais pas à te dire je t’aime alors que j’en avais pourtant extrêmement envie.

Il y a eu ce jour dont je me souviendrai toute ma vie. Nous étions dans mon jardin sous le grand portique vert, juste à côté du vieux poirier qui ne donnait plus grand chose. Un paradis pour enfants avec ses deux balançoires, son échelle, ses anneaux et son trapèze. De quoi devenir un véritable gymnaste.

Nous profitions de la journée quand soudainement tu m’as regardé en me disant quelque chose comme :

C’est vrai que tu es amoureux de moi ?

Je me rappelle très bien de ma réaction à ce moment là. La surprise puis le déni total, la fuite en avant. Surtout, ne pas lui dire.

Ah mais non pas du tout, c’est pour rigoler !

Voilà ce que je t’avais répondu à quelques mots près. Tu avais peut-être fini par entendre les cris de mon cœur, ou alors les copains à qui je m’étais confiés avaient eu la langue bien pendue.

Toujours est-il que j’étais fou amoureux de toi, et alors que tu me tendais une perche miraculeuse, je me retrouvais dans l’incapacité totale de te dire tout mon amour.

Je me demande encore aujourd’hui ce qui se serait passé si j’avais eu le courage de te dire ce que je ressentais vraiment pour toi à ce moment là. Peut-être rien, et puis peut-être pas.

J’aurais tant voulu goûter à tes lèvres en fermant les yeux. J’aurais tant aimé glisser mes doigts dans tes cheveux fins et dorés. Si seulement j’avais été plus fort, tu m’aurais peut-être laissé entrer.

Tu avais ces petites fossettes qui rendaient ton sourire unique et charmeur. Je n’étais d’ailleurs pas le seul à être sensible à ton charme.

Il y avait d’autres petits garçons qui eux n’avaient aucune crainte à faire entendre leurs cris du coeur. Et malheureusement ce qui devait arriver arriva. Toi, ma petite fleur que j’aimais tant, voilà que tu allais ouvrir ton cœur à certains de mes camarades de classe.

Lors d’une sortie avec l’école, nous avions rejoint une base de loisir en région parisienne. Je me souviens de ce garçon que je n’aimais pas trop et avec qui tu semblais vivre une petite histoire. Il portait un anneau en or à une oreille, c’était la mode à l’époque. Je crois me souvenir vous avoir vu marcher en vous tenant par la main. Mon cœur en avait pris un coup.

Il y en a eu quelques autres, des copains plus ou moins proches, je ne me souviens plus tellement. Toi, ma petite tête blonde, tu restais inaccessible et mon cœur me ramenait sans cesse à toi. Ce n’était pas toujours facile à vivre.

Tu étais mon amoureuse mais tu te retrouvais toujours dans les bras d’un autre. J’étais jaloux et je ne comprenais pas ce qui se passait. J’avais tout en moi mais je n’avais pas les clés pour réussir à me libérer.

Je t’écris tout ça maintenant, mais c’était il y a bien longtemps. Sache que je garde un très beau souvenir de toi.

La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était il y a environ quinze ou vingt ans. Tu avais sonné à la grille de la maison pour me rendre un jeu que je t’avais prêté. On ne se voyait déjà presque plus à cette époque là, mais je me souviens avoir espéré te revoir. Je crois bien que tu me manquais beaucoup. La flamme qui brûlait en moi ne s’était pas encore éteinte.

Je ne vais pas te dire je t’aime aujourd’hui. Cela n’aurait vraiment aucun sens après toutes ces années. Et puis nos vies ont pris des chemins différents, je crois même que tu as trouvé l’amour. De mon côté, même si j’ai encore des progrès à faire, j’ai appris à me libérer d’avantage.

Permets-moi juste de te dire que tu es et resteras toujours mon premier amour. Celle pour qui mon coeur était prêt à tout, même si tu n’en savais rien.

Rien que d’avoir cette pensée, je sens la chaleur entourer mon coeur. J’espère que le tien est à l’abris du froid et que tu es heureuse aujourd’hui.

Tom Pouce, c’est comme ça que tu m’appelais.

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