L’hiver m’inspire et me pousse à écrire…
J’aime l’hiver. Alors que certains se plaignent des journées qui raccourcissent à cause du changement d’heure et que d’autres redoutent déjà les températures hivernales, je prends un malin plaisir à attendre avec impatience la tombée de la nuit.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’aime la nuit et j’aime le froid. Alors quand l’hiver choisi de faire son apparition, je sais d’avance que je vais me sentir bien, apaisé même.
Aussi longtemps que je me souvienne, je me suis toujours senti bien à cette période de l’année. Les sorties de cours, je les préférais à la tombée de la nuit, discutant avec les copains sur le parking du car qui allait me ramener chez moi un peu plus tard. Une petite heure de route à travers la campagne, de villages en villages.
Alors que certains discutaient sous la lueur des quelques lampadaires qui se trouvaient là, d’autres profitaient de la nuit pour échanger quelques baisers langoureux à l’abris des regards. Les premiers amours de lycée…
Je n’ai jamais vraiment craint le froid. Sans doute parce que je savais qu’un bon feu de cheminée m’attendait à la maison pour me réchauffer le corps et le coeur après une dure journée à l’école. L’hiver, les dîners avec mes parents devant la cheminée faisaient partie des moments que je préférais.
Il suffisait de tirer la petite table roulante en bois sur laquelle était disposé tout le nécessaire pour le repas. Nous mangions en écoutant le crépitement du feu, la radio en fond sonore. Le moment parfait, c’était le vendredi soir. Un, ou plutôt une septième invitée se joignait à nous, mes parents, ma soeur, moi, le chat et le chien.
Zoé Varier prenait place dans le salon, enfin sa voix seulement. Elle arrivait jusqu’à nous par les ondes, dans son émission Écoutez… des anges passent. C’était entre 1999 et 2004 sur France Inter. J’aurais rêvé qu’elle partage avec nous ces moments au coin du feu, nous parlant de ses nombreuses rencontres qu’elle avait la chance de faire au cours de ses fabuleux reportages.
Je garderai toujours en mémoire cette scène qui se répétait à chaque fois que nous décidions d’allumer la cheminée : la lueur des flammes se reflétant dans les yeux de notre chatte étendue de tout son long sur le bord de la table basse, à un mètre de l’âtre. Elle adorait sentir la chaleur sur son ventre, son regard en disait long sur le plaisir qu’elle ressentait dans ces moments là.
Je me souviens très bien aussi de mon père fumant sa pipe derrière son journal. Il s’installait toujours dans son fauteuil à droite de la cheminée, juste à côté du panier en osier qui servait à transporter le bois. La pièce se remplissait alors de l’odeur du tabac à pipe qui n’était pas du tout désagréable.
C’était il y a bien longtemps, mon père avait arrêté de fumer alors que je n’étais encore qu’un petit garçon. Mais à cette période là, comme tous les petits garçons, je voulais faire comme mon papa. Moi aussi je voulais fumer au coin du feu, moi aussi je voulais être un homme.
Mes parents avaient fini par m’acheter une petite pipe en plastique avec son briquet, en plastique aussi bien sûr. Même si aucune fumée ne sortait de mon engin, qu’est ce que j’étais fier à l’époque de pouvoir faire comme mon père !
Les moments passés en famille autour de cette cheminée font partie de mes plus beaux souvenirs. Des plus tristes aussi.
J’ai beaucoup pleuré en laissant mon regard se perdre dans les flammes à l’intérieur de cette cheminée. J’ai souvent cherché du réconfort en fixant les braises rouges et oranges, allant parfois même jusqu’à me brûler la peau tellement j’étais proche du foyer.
Je pouvais passer des heures à observer le feu de bois, cela faisait partie des moments de détente qui me faisaient beaucoup de bien.
Les saisons sont en train de disparaître. La faute à l’homme, encore lui. Le bougre, il est en train de me voler mon hiver et je reste là, impuissant, sans savoir quoi faire pour inverser la tendance.
J’aimerais bien agir, mais comment ? En devenant moi aussi un jardinier du monde comme le propose Jean-baptiste Jlt ? Peut-être bien, en tout cas l’idée est belle.
Pour mes vieux jours, je voudrais pouvoir profiter des longues nuits d’hiver auprès de la cheminée, perdu tout la haut dans la montagne.
Lorsque je ne serai plus qu’une vieille branche en train de se consumer lentement mais sûrement, j’aimerais pouvoir observer à nouveau le reflet des flammes dans les yeux de mon chat.
J’aimerais pouvoir continuer à écrire au rythme des saisons, trouvant l’inspiration dans ce monde qui vit et respire malgré la pression constante que lui inflige l’homme.
Aussi, préservons la nature du mieux que nous le pouvons, et continuons à raconter des histoires.
Gardez-vous un amour pour vos jours de vieillesse. Allumez de bonne heure un feu pour votre hiver.
— Victor Hugo